samedi 24 février 2018

BOHICON, SENS... et petites pensées pour les esclaves

Coucou tout le monde,

Comment allez-vous ?
Pour nous, tout va bien. Nous avons eu la chance d’échapper à un orage diluvien, puis à une route dramatiquement dangereuse, et nous nous targuons une fois de plus d’être de sacrés veinards !! :

Nous vous avions laissés à l’orphelinat de Dogbo, que nous avons quitté lundi très tôt, après les très émouvantes salutations des enfants sans famille que nous laissions là ; certains nous ont écrit des lettres touchantes pour que nous nous souvenions d’eux… mais comment pourrions-nous oublier ces petits bouts d’hommes et de femmes grandis trop vite ?


Bref, méditations sur nos vélos en avalant les kms… Il faut dire aussi qu’à partir de Dogbo, nous avons quitté les pistes de latérite rouge pour de vraies routes bitumées. Et, même avec nos vélos à pneus crantés, ça change tout ! C’est ainsi que lundi soir, après 75 kms, nous sommes déjà parvenus à Bohicon, que nous ne pensions rejoindre que mardi matin. Bien nous en a pris !


 Car à Bohicon nous attendait l’adorable Kémi, responsable d’une organisation épatante, SENS, dont nous allons vous reparler ; mais aussi… une maison ! une vraie ! avec des lits, des douches, et un toit costaud !! Parce que son propriétaire, Jacques, lui-aussi l’un des responsables de SENS, est en France en ce moment : il nous a donc très gentiment laissé sa maison ! Et heureusement ! Car dans la nuit a tout-à-coup éclaté un orage magistral, et pluie diluvienne et vents forts ont ravagé Bohicon, contre toute attente en cette saison sèche ! Merci Jacques, notre « Saint-Jacques-de-Bohicon » !!
Au programme du mardi, visite de SENS : « Solidarité Entreprises Nord-Sud », dont nous avions entendu parler grâce à l’entreprise de Nico (Nutrition et Santé), qui en est partenaire.

Alors là, il faut qu'on vous raconte :
Cette organisation propose aux entreprises locales, pour beaucoup des « entreprises familiales » (juste la mère ou les mères d’une famille) des prestations de services : des cours de gestion aux cours de pratique pour améliorer leurs techniques, l'équipe leur enseigne tout bonnement comment faire fructifier leur savoir-faire. Pas facile de leur apprendre les notions de dépenses, chiffre d'affaires, car ces "nouveaux entrepreneurs" ne savent souvent pas bien compter (on est dans un pays où le taux d'alphabétisation, en constante hausse depuis les années 1960, ne dépasse tout de même pas 60% de la population ; et le milieu rural, et justement les femmes sont à ce titre moins bien lotis ...). 
En plus, Kémi tient à ce que chaque membre de la filière s'inscrive dans une démarche écologique : l’utilisation de produits locaux de qualité, la gestion des déchets (le Bénin est magnifique, mais... près des routes et des villes tout parsemé de sacs plastiques!!!) , un circuit de vente de proximité sont les priorités de SENS. 
Kémi et son équipe travaillent essentiellement sur la filière soja : le soja pousse en effet facilement, mais pâtit de son image ici de « viande du pauvre »! dans un pays où pourtant beaucoup souffrent encore de malnutrition! c'est trop dommage : le tofu (« fromage » de soja) a des vertus tant économiques (c’est pas cher), que nutritionnelles (c’est très riche en protéines) ! Mais bon, c'est vrai que le tofu a besoin d'être bien préparé pour être, sinon savoureux, du moins agréable à manger, n'est-ce pas? Et c'est là que Percy intervient ! 





A SENS-Bohicon, elle élabore des recettes délicieuses, afin de redorer l’image du tofu (on a goûté, on a a-do-ré ! Des samoussas farcis aux légumes aux crèmes fouettées au citron, en passant par les mini-pizzas et les brochettes, les recettes qu’elle prépare à base de tofu sont succulentes ! Finalement... un peu comme la branche R et D de Nutrition et Nature Revel!!!)




C’est ainsi que nous avons rendu visite le matin à une « préparatrice » de tofu : 


Pascaline reçoit le soja de l’un des producteur du réseau SENS, l'écrase dans un moulin qu'elle a pu acheter grâce aux conseils... et prix négociés par l'organisation (parce qu'avant, il lui fallait transporter les graines à 2 kms, un plat sur sa tête, et attendre un tour qui parfois ne venait pas!!! Forcément, c'est vite dissuasif!!) ; elle le transforme tous les matins, dans sa marmite au feu de bois, en pains de « fromage » (tofu) ; elle prépare ainsi 5 kgs de soja par jour, bien régulièrement. Puis les "fromages" sont recueillis par un jeune en insertion, à qui SENS confie une bicyclette-glacière. Et lui les apporte aux restauratrices ou cantinières qui ont été formées par Percy à élaborer les recettes. 
Et le tour est joué ! C'est génial, non?? Des petites entreprises individuelles ou familiales qui se réunissent pour former une vraie chaîne à l'échelle locale! Des petits maillons comme celui-ci forment des "essors" d'une vingtaine de personnes ; et pour l'instant, les essors sont au nombre de 6 autour de Bohicon.  Les témoignages montrent  la satisfaction des protagonistes, tout le monde gagne mieux sa vie, et le produit fini se hausse en qualité. Hormis les dérivés du soja, SENS travaille aussi à la valorisation d’autres produits locaux (miel, plantes thérapeutiques, savons…), mais toujours en s’inscrivant dans une démarche solidaire et écologique. Un label a même été déposé : "b'est", pour Bénin-entreprendre solidaire avec son territoire : chouette, non? Et le site de Bohicon est le troisième à voir le jour, après celui de Dassa, plus au nord, et celui de Parakou, encore plus au nord… 
Bravo Kémi pour ta démarche, ton implication, et la solidité de ton équipe (tous des gens très compétents, des ingénieurs agronomes, en finances et économie sur le terrain, aux gestionnaires et distributeurs, en passant par les spécialistes de l'information, tant au sein des filières que de l'image des produits) : cette organisation inspire confiance!
Et surtout, merci Kémi pour les bons moments passés avec toi et ta famille! Nous avons tous les 4 adoré vous rencontrer!  



Nous avons aussi profité de notre passage à Bohicon pour visiter, emmenés par un guide-historien formidable, Théo, le musée des palais des rois d’Abomey ; puis le site archéologique des « abris souterrains », refuges des guerriers d’Abomey qui s’y dissimulaient pour surprendre les tribus adverses. Petite page poignante de l’Histoire béninoise, où l’on discerne ce peuple fier, à la politique conquérante, et finalement étouffé par les Blancs à la fin du 19e siècle (le Roi Behanzin a été déporté… et empêché de se défendre sous Sadi Carnot...). Petit rappel historique aussi sur la pratique de l'esclavage : les ethnies, qui aujourd'hui encore s'étalent sur plusieurs pays d'Ouest en Est, menaient depuis l'Antiquité des combats de territoires. Parmi les prisonniers, on gardait pour soi ceux qui possédaient un savoir-faire (c'est comme ça semble-t-il que se sont répandues les pratiques vaudoues en Afrique de l'Ouest... mais ça, il faudra qu'on vous en reparle!) ; on "utilisait" aussi des "ouvriers" choisis parmi les plus forts, et les autres, ben... on les vendait! A l'Antiquité, on sait que certains avaient été exploités par les Pharaons d'Egypte (je vous laisse calculer les kms parcourus enchaînés dans le désert...). Mais à partir du 17e siècle, c'était bien plus simple, puisque les Blancs venaient en grand nombre se servir en bateau, notamment à Ouidah! Mais ça, tout le monde connaît bien, c'est le commerce triangulaire : on a besoin de main d'oeuvre dans le Nouveau Monde, et les populations locales, ben... ont été largement décimées! de la Louisiane au Brésil, on débarque donc les esclaves africains. Avec la bénédiction de l'Eglise! et celle, il faut bien le dire, des rois africains, qui eux-même participent à la chasse aux esclaves.
On estime aujourd'hui à plus de 15 millions le nombre de femmes et d'hommes ainsi déportés ; sans compter tous ceux qui ne "passaient pas les tests" de résistance qu'on leur infligeait avant la grande traversée! ni ceux qui, trop faibles, ne trouvaient pas acquéreurs, alors couic... Ni enfin ceux, surentassés dans les bateaux, qui se blessaient ou tombaient malades, et... qu'on utilisait pour servir d'appât aux cauris, ces petits coquillages blancs, monnaie d'échange avec les Africains...
Re- méditations sur nos vélos...

En fait de vélos, avouons-le, nous avons eu la chance de passer une bonne partie de la journée emmenés par Isambert, le chauffeur de Kémi (après les fortes pluies, les pistes détrempées auraient mis à mal nos malheureux vélos…). Pauvre Isambert, au début on s'était trompés : on l'appelait "Isangrain"!! Donc Isambert, de son côté, nous a formellement déconseillé d’emprunter nos habituelles montures pour gagner Dassa, comme nous l'avions prévu, arguant que ce tronçon de route est dangereux ; il s’est chargé de nous trouver une voiture avec chauffeur pour nous emmener mercredi. Et là, on a bien ri ! Parce que la route entre Bohicon et Dassa, c’est un doux euphémisme de dire qu’elle est "dangereuse" !


 Elle est en fait un cimetière pour voitures et camions !!! Leurs carcasses gisent un peu partout, anciennes quand il n'y a plus rien à en tirer, carbonisées parfois, entre les poids-lourds en panne, voire retournés! (créant de gigantesques bouchons !). Notre super-chauffeur a serpenté savamment entre les trous et les véhicules arrêtés, voire celui juste devant nous dont un pneu a tout-à-coup éclaté!!!
La mythique 505, reine du bitume et des pistes ici !!! Petite dédicace pour Palain!!


Et… nous nous sommes imaginés, frêles et lentes silhouettes rase-mottes, disputant le peu de terrain carrossable aux titans klaxonnant !! on l’a échappé belle : merci à notre "saint-Isambert-de-Bohicon" !!!!

Désolé, article diffusé avec 3 jours de retard !!
Nous sommes arrivés à Natitingou. La suite au prochain épisode.
Bises à tous.

PS : L'esclavage, ben... ça existe quand même encore un peu... Ici, la culture veut que le plus jeune sert le plus âgé ; les enfants, donc, font beaucoup. Dans les campagnes, c'est pour ça qu'ils ont du mal à aller à l'école (pourtant, notez bien, c'est pratique pour les parents, les enseignants sont très souvent en grève! Forcément, ils ne sont pas payés!!!)  Il n'empêche que les petites filles sont souvent astreintes à la corvée de l'eau : elles partent au puits, parfois distant de plusieurs kms, et reviennent avec souvent des bacs de 10 ou 15, voire 20 litres sur la tête... Plusieurs fois par jour...

Et les bassines sont pleines d'eau !!!


 Et que dire de la vente d'enfants, pratiquée semble-t-il assez régulièrement : une famille vend un enfant (entre 10000 et 20000 FCFA : 15 à 22 euros!!! si si!!) à une autre famille, pour soi-disant lui donner un accès à l'éducation. Cela ne trompe personne : les enfants passent même parfois des frontières! Et l'enfant acheté est destiné aux corvées de la famille, voire pire...
Dans le même ordre d'idée, nous nous demandions si le rasage des jeunes filles en âge d'aller au collège ou au lycée était un effet de mode... Ben en fait non! Il paraît que sinon, les professeurs y voient une marque aguichante! Et, quoiqu'il en soit, elles déclarent elles-même avoir du mal à refuser leurs avances, de peur d'être discriminées... et évincées des examens! Horrible, non?
Peu de femmes se rendent aussi dans les hôpitaux : elles craignent parfois de n'y être pas respectées, en particulier les jeunes filles.
Enfin, cela les incite à se soigner et à soigner leurs familles avec les plantes! Un palu, une fièvre, des boutons, allez hop! une tisane et ça repart!!!

Et vous voulez savoir? Margot, en ville, trouve beaucoup d'acquéreurs... Bon, rassurez-vous, elle n'est pas à vendre, pas achetable, et rigoureusement escortée par son papa!!!
Sérieusement, on ne se sent jamais en insécurité ici, les gens sont juste adorables... plus avec les yovo (Blancs) qu'entre eux!!!

Enfin... re-re-méditations!



3 commentaires:

  1. Coucou les amis, on voit que comme d'habitude vous ne perdez pas de temps pour profiter des locaux et faire de si belles rencontres. C'est aussi l'occasion de retrouver des relations simples et des valeurs fondamentales, mais quel crève-cœur au moment du départ!!!
    Comme d'habitude les "petits pépins" semblent tout juste vous effleurer, ou peut-être sont juste minimisés par la rédactrice. En tout cas on vous souhaite beaucoup de courage pour pédaler sur des pistes molles sous une chaleur torride!
    Et petite attention toute particulière pour celui (je me demande bien de qui il s'agira?...t'as une petite idée Nico?) qui ira chercher le fourgon à l'autre bout de l'aéroport sans son blouson, car cette semaine on se prépare pour du négatif, et pourquoi pas encore un peu de neige.
    Grosses bises à tous profitez bien de cette semaine pour faire encore des tas de choses merveilleuses
    Nath

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  2. Bonjour..Merci pour avoir fait le tour ...Svp.. l'image sur la productrice de fromage bée soja me gène un peu..Je serai ravis si vous publiez uniquement la photo de Pascaline seule..Ou une autre photo..Celle dans laquelle apparaît la dame enceinte me gène...

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